Signaux intrigants détectés simultanément par les instruments de Ligo, Virgo et IceCube commence à recevoir un début d’explication. Selon un chercheur de l’université de Princeton (États-Unis), il pourrait s’agir d’une technosignature d’une civilisation E.T. explorant la physique de la gravitation quantique et peut-être en train d’ouvrir un trou de ver, selon une chercheuse du Caltech.
Une vue des bâtiments de surface du détecteur géant de neutrinos IceCube en Antarctique. La pureté de la glace à plus d’un kilomètre de profondeur permet à plus de 5.000 photomultiplicateurs d’enregistrer avec précision les flashs bleutés très ténus générés par les muons issus de la collision des neutrinos avec les noyaux atomiques dans la glace. La construction d’IceCube a commencé en 2005, mais le détecteur est une version plus grande d’Amanda, qui date du début des années 1990.
Juste avant que les travaux pour Advanced Ligo et Advanced Virgo ne débutent, les détecteurs d’ondes gravitationnelles de Ligo et Virgo avaient enregistré un signal anormalement fort. Tout indiquait qu’il devait s’agir d’un flash de ces ondes produites par un événement astrophysique catastrophique. Trop catastrophique pour être crédible cependant car, en première analyse, étant donné son intensité, il aurait dû se produire dans la Voie lactée alors que ces événements sont rares.
La perplexité des astrophysiciens relativistes a augmenté quand ils ont commencé à analyser la forme du signal obtenu. Il ne correspondait à aucun de ceux générés sur ordinateur depuis que la relativité numériqueavait permis d’étudier les collisions d’astres compacts et en particulier absolument pas à la coalescence de deux trous noirs. Or, aucune source dans le visible ou en rayon gamma à l’intérieur de la Galaxie, comme par exemple une hypernova, n’avait accompagné l’événement détecté à la fois par Vigo et Ligo. Ce qui avait permis d’exclure un défaut de fonctionnement d’un des détecteurs ou une perturbation d’origine terrestre, comme par exemple un séisme.
Restait une autre fenêtre d’observation pour étudier le phénomène : les neutrinos. Tout comme les ondes gravitationnelles, il s’agit d’un rayonnement astrophysique particulièrement pénétrant et il est copieusement produit lors de l’effondrement des étoiles qui deviennent des supernovae comme cela a été démontré en 1987. Les neutrinos émis par l’explosion de l’étoile Sanduleak, plus connue sous le nom de supernova SN 1987A, avaient alors été observés par KamiokaNDE II (Kamioka Nucleon Decay Experiment II), l’un des prédécesseurs de Super-Kamiokande, le célèbre détecteur japonais.
En 2013, les membres de la collaboration IceCube, un autre télescope à neutrinos installé celui-ci enAntarctique, avaient annoncé la détection de 28 neutrinos possédant des énergies comprises entre 30 et 1.200 TeV. Ces neutrinos pouvaient avoir été produits aux abords des trous noirs supermassifs et des quasars.
Deux étoiles à neutrons séparées par une vingtaine de kilomètres ont été simulées sur un superordinateur. Ces images de synthèse en sont extraites et montrent la collision de ces deux étoiles qui forment un trou noir. On peut estimer le flux d’ondes gravitationnelles et de neutrinos que génère une telle catastrophe cosmique à l’origine de certains sursauts gamma.
Des neutrinos de plusieurs centaines de ZeV dans IceCube
On apprend maintenant que IceCube a détecté en concordance avec le signal observé par Ligo et Virgo un brusque pic du flux de neutrinos de très hautes énergies. Mais les chiffres obtenus concernant les énergies de ces neutrinos sont confondants. Ceux détectés ont des énergies comprises entre le zetta et le yotta électron-volt (ZeV et YeV respectivement) c’est-à-dire entre un et mille milliards de TeV. Là encore, aucun processus astrophysique connu ne colle avec ces observations. Quel phénomène incroyablement énergétique, produit dans la Voie lactée mais n’ayant laissé aucune trace dans le visible, en X ou en gamma, pouvait-il avoir libéré de si gigantesques quantités d’énergies sous forme d’ondes gravitationnelles et de neutrinos ?
Aucune équipe n’avait encore décidé de communiquer publiquement sur cette découverte, suspectant un biais quelconque, comme dans l’affaire des neutrinos transluminiques d’Opera. Mais voilà qu’un chercheur spécialiste en physique des astroparticules de l’université de Princeton vient de déposer sur arXiv un papier audacieux dans lequel se trouve peut-être la solution de l’énigme.
L’idée de Brian Lacki découle en droite ligne des spéculations d’un de ses célèbres collègues de l’Institute for Advanced Studies : Freeman Dyson. Elle met en scène une civilisation E.T. dont les besoins en énergie ont tellement augmenté qu’elle doit utiliser au moins toute l’énergie libérée par son Soleil. Pour cela, elle l’enferme dans une sphère de matière afin de récupérer tout le rayonnement émis par son étoile. Pour accomplir un tel exploit, cette civilisation devrait être particulièrement avancée technologiquement. Mais il semble que rien de ce qui est autorisé par les lois de la physique n’est impossible à des E.T. qui seraient devenus des super-IA.
Selon les raisonnements de Lacki, ces IA pourraient conduire des expériences de physique ultimes, que ce soit pour répondre aux plus profondes questions de la physique fondamentale ou pour maîtriser une technologie ultime, celle basée sur une théorie unifiée des interactions et de la gravitation quantique. Il faudrait pour cela atteindre l’énergie de Planck et disposer d’une version du LHC digne de la science-fiction la plus échevelée.
Un LHC qui consommerait 70 fois la masse du Soleil en énergie
Brian Lacki a entrepris de préciser les contraintes que devrait satisfaire le fonctionnement d’une telle machine ou de cousines analogues aux synchrotrons. L’équivalent d’un LHC devrait fonctionner pendant au moins un million d’années pour produire un seul événement comme la production d’un minitrou noir de la masse de Planck et consommer 70 fois la masse du Soleil en énergie. Mais un accélérateur qui provoquerait des collisions non pas de protons mais de neutrinos serait plus compact et ne nécessiterait qu’un dixième de l’énergie de masse de la Lune. Il y aurait de toute façon une énorme quantité de particules secondaires à détecter et à trier pour découvrir de rares événements indicateurs de la physique de la gravitation quantique. Les conditions de fonctionnement de la machine feraient intervenir des densités d’énergies telles qu’elle ne serait pas loin de s’effondrer en devenant un trou noir.
Lacki s’en remet donc à une civilisation de type II et surtout III sur l’échelle de Kardashev. Rappelons que dans les années 1960, le radioastronome russe Nicolaï Kardashev a classé les civilisations extraterrestres en fonction de leur consommation d’énergie sur une échelle qui compte trois niveaux, le premier nécessiterait l’intégralité de l’énergie d’une planète, le deuxième d’une étoile et le troisième d’une galaxie. L’astrophysicien suggère que des scientifiques de cet acabit ont décidé d’utiliser un trou noir massif, probablement entouré par une sphère de Dyson, pour fabriquer un accélérateur permettant de sonder la physique de la gravitation quantique. Une telle sphère ne laisserait passer que des ondes gravitationnelles et des neutrinos résultants de l’expérience. Quelle serait l’énergie de ces neutrinos ? Précisément de l’ordre du YeV selon Lacki !
Plus forts que le programme Seti, Ligo et IceCube aurait donc détecté une technosignature d’une civilisation E.T. de type au moins II sur l’échelle de Kardashev et dans notre Voie lactée !
L’ouverture d’un trou de ver de Thorne-Morris ?
Une collègue de Brian Lacki, travaillant avec le fameux Kip Thorne du Caltech, a une théorie encore plus fascinante, recoupant les hypothèses du chercheur de Princeton. Murphy Cooper est une spécialiste d’une nouvelle branche de la relativité numérique appliquée aux modèles cosmologiques avec des dimensions spatiales supplémentaires. Dans ce cadre, elle explore avec ses collègues les signatures potentielles de la création de trous noirs et de trous de ver dans les univers de Randall-Sundrum. De telles signatures sont susceptibles d’émerger dans des théories à basses masses de Planck et de conduire à des prédictions testables avec le LHC ou eLisa. Cooper a eu l’idée de comparer ses tout derniers résultats sur ordinateurs avec les signaux détectés par Ligo et Virgo : ils concordaient !
La chercheuse reste prudente car il s’agit encore au fond de résultats préliminaires et quelque peu spéculatifs. Mais il semble bel et bien que les mesures faites avec Ligo, Virgo et IceCube soient précisément celles que l’on attendrait du signal de l’ouverture d’un trou de ver traversable par une civilisation de type II cherchant à voyager entre les galaxies ou même à atteindre un univers parallèle.
Plusieurs articles sur ces découvertes, que Murphy Cooper a écrit avec son collègue Éric Poisson du Perimeter Institute for Theoretical Physics, devraient être déposés sur arXiv ce premier avril. Ils seront accompagnés de ceux des collaborations Ligo, Virgo et IceCube.
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